Haven : Reflections - Cesair revisité avec justesse
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En avril dernier, Cesair dévoilait un nouvel Ep surprise intitulé Haven : Reflections, un EP entièrement composé de remixes de morceaux issus de leur album Haven.
Au programme, cinq titres revisités par des artistes issus de différents horizons :
– Storm par Overdose (avec Guido Bergman)
– Luscinia par Emian
– Ani Ana par Plantec
– Huldana par Arno Polet (feat. Marine Libert)
– Mélusine par Last Gunship
Je l’avoue sans détour : l’idée d’un EP de remixes ne m’emballait pas du tout. Je suis rarement convaincu par les réinterprétations électroniques de morceaux que j’aime profondément. Les seuls remixes que j’ai vraiment appréciés dans ma vie viennent d’Oli de Sat pour Indochine, de Frédéric Sanchez (JDALL est une tuerie), ou encore de Odyssey Through O₂ de Jarre — et encore, tout n’y était pas parfait.
Alors, quand j’ai appris que Storm allait être remixé, j’ai ressenti une vague d’anxiété. Ce titre est pour moi l’un des plus beaux de Cesair, et le traitement industriel apporté par Overdose n’a pas su me convaincre. L’émotion y est étouffée, la tension électrique dénature le souffle originel. Même après plusieurs écoutes, je n’y parviens pas.
Mais heureusement, le reste de l’EP m’a agréablement surpris. Un à un, les remixes ont su me faire changer d’avis. Certains subliment même les originaux. Comme quoi, quand la réinterprétation est faite avec respect, inspiration et justesse, le résultat est réussit.
Le second remix a été réalisé par les soins d’Emian, avec le titre Luscinia. Ce duo folktronica italien, que je ne connaissais jusqu’ici que de nom, m’a littéralement conquis. Ils ont su préserver l’esprit du morceau original, que ce soit à travers la délicate intro ou les voix de Monique et Daan, absolument pas altérées. Celles-ci restent claires, pures, portées par des nappes électro discrètes et parfaitement dosées.
C’est exactement le type de remix que j’apprécie : Emian ne cherche pas à transformer Luscinia, mais à le faire résonner différemment.
S’ensuit l’excellent Ani Ana, remixé par Plantec, et celui-ci m’a fait chavirer le cœur.
Ayant été sensibilisé à la culture celtique très jeune par ma grand-mère, et après avoir assisté plusieurs fois au Festival Interceltique de Lorient grâce et avec elle, ce remix ne pouvait que résonner profondément en moi.
L’intro à la bombarde, avec ses petites touches électroniques en arrière-plan, est juste parfaite : un dialogue entre tradition et modernité, porté par un souffle vibrant. Le morceau évolue ensuite vers une montée progressive, où les beats électro se mêlent aux instruments traditionnels dans une fusion organique et festive.
Plantec réussit à garder intacte la dimension rituelle du morceau tout en lui insufflant une énergie dansante, presque tribale. Ce remix dégage une joie sauvage, instinctive et envoûtante, qui donne envie de battre du pied, de fermer les yeux et de se laisser emporter.
L’EP se poursuit avec le très surprenant remix d'Huldana par Arno (feat. Marine Libert), et celui-ci décoiffe totalement ! Le morceau s’ouvre sur des chuchotements mystérieux de Marine, avant que la voix de Monique ne se boucle en un “Huldana, Huldana” hypnotique, créant un effet d’envoûtement immédiat.
Puis, on plonge dans une version électro percutante et acérée, qui m’a immédiatement rappelé Crystal Castles. C’est sans conteste le remix le plus percutant de l’EP. Vocalement, j’ai été ravi de découvrir Marine dans un registre très différent de celui qu’elle utilise avec Rastaban. Sa voix, tendue, vibrante, presque possédée, m'évoque un cri humain dans un monde digitalisé. Une tension vocale électrique qui électrise tout le morceau.
Et que dire du final ? Totalement débridé, explosif, presque hardcore ! Je ne m’attendais pas à une telle brutalité — mais ça fonctionne incroyablement bien. Arno nous livre un remix à mille lieues de l’original, mais pleinement réinventé. Le résultat est franchement bluffant.
Haven : Reflections s’achève avec le remix le plus original de l’EP : Mélusine, réinterprété par Last Gunship.
Ici, changement total d’univers : on plonge dans un monde aux sonorités 8-bit, qui évoquera sans doute, pour beaucoup, les jeux vidéo sur Gameboy. Mais pour ma part, c’est immédiatement mon bon vieil Amstrad CPC-464 qui m’est revenu en tête !
Aucune partie vocale du morceau original n’est conservée, et pourtant le rendu est vraiment excellent. On est loin du ton mystique habituel de Cesair, mais cela ne nuit en rien à la cohérence de l’ensemble. Au contraire, ce choix audacieux fonctionne totalement, et offre une clôture rétro et décalée à un EP résolument varié.
Pour conclure, Haven : Reflections est une excellente surprise en ce qui me concerne. L’EP a su balayer mon scepticisme vis-à-vis des titres remixés — malgré un premier extrait qui ne m’avait pas du tout convaincu.
Je suis vraiment heureux d’avoir poussé ma curiosité jusqu’au bout, car j’ai sincèrement aimé ce projet.
Chaque remix offre une lecture nouvelle et singulière, sans jamais trahir l’essence de Cesair. Mieux encore : l’EP tisse un lien étonnamment cohérent entre le mystique, le tribal, l’électronique et le rétro. Mention spéciale également au visuel de la pochette et du CD, que je trouve absolument somptueux. À la fois épuré et symbolique, il prolonge parfaitement l’atmosphère de l’EP : entre mystère, élégance et réinvention.
Haven : Reflections n’est pas un simple Ep de remixes : c’est une véritable relecture artistique, menée avec audace et respect.
Un EP à écouter sans œillères, avec curiosité… et qui pourrait bien vous surprendre autant qu’il m’a surpris.